Poco Loco Mysterio 700km Gravel

Retour sur la Poco Loco Mysterio de Pau à Bilbao

La Poco Loco c’est quoi ?

C’est un événement vélo d’ultradistance, plusieurs sont organisés tout au long de l’année avec différentes distances possibles, sur route ou gravel et tous partent d’une ville française pour finir dans une ville étrangère. Accessible aux plus novices comme au plus expérimentés des longues distances, le principe est de prendre du bon temps et de découvrir de beaux paysages.

La Poco Loco Mysterio a eu lieu du 7 au 15 octobre 2023.

Le principe est simple : avant l’inscription nous ne connaissions pas la destination, simplement qu’il serait possible de rouler sur route ou gravel et que le parcours de 700 km.

Deux mois avant le départ, la destination a été révélée, ce sera dans le Pays basque pour relier Pau à Bilbao. Et 24 heures avant le départ, nous avons reçu la trace que nous allions parcourir avec nos bolides.

Avant le départ.

Je ne pars pas seule sur cette Poco Loco, j’y vais avec Polo à vélo qui m’a fortement incitée à la faire. En plus de partager ma vie, c’est lui qui m’entraîne et me coache sur toutes mes sorties à vélo. S’il y a quelques mois je ne me sentais absolument pas capable d’une telle distance, Polo ne doutait pas que je puisse le faire.

Point important : nous avons sept jours pour faire ces 700 km ; je peux prendre l’option de dormir chaque soir et parcourir ce périple en douceur… Mais vous commencez à me connaître, j’ai du mal à faire semblant quand il s’agit de monter sur mon vélo, et nous nous étions lancé un défi : moins de 24 heures entre l’arrivée de Polo et la mienne.

J’ai l’habitude de rouler avec lui, je sais qu’il roule très fort, mais il s’accorde beaucoup plus de pauses que moi et bien plus longtemps, le défi n’était donc pas facile mais pas impossible non plus ! Et si je gagne, j’ai le droit de choisir la course de mon choix en 2024 pour la faire en tandem avec lui ! Le meilleur lot pour me motiver !

Nous arrivons à Pau en van le vendredi dans l’après-midi. Le temps de récupérer nos balises GPS, qui permettent de nous suivre tout le long de la trace, et de nombreux lots des partenaires comme les délicieuses barres Holyfat que j’affectionne depuis des années pour mes ravitos trail et vélo.

On passe la fin de la journée à discuter, boire des bières et finaliser la préparation de nos vélos avant une dernière bonne nuit !

Jour 1

Le réveil sonne, il est 6 heures.

J’ai préparé toutes mes affaires la veille pour gagner du temps, je saute dans mon cuissard Wilma (il faut vraiment que je vous parle de cette merveille !), enfile le reste de mes affaires et nous partons en direction du départ où nous attendent café et chocolatines ! (J’ai le droit de dire chocolatine dans le Sud-Ouest !)

Je suis dans la même vague de départs que Polo qui nous est donnée à 7 h 35, les quelques minutes avant le départ passent très vite, je suis encore un peu endormie que je me retrouve déjà à pédaler sur la voie verte pour sortir de Pau en direction de Lourdes.

J’ai un objectif sur cette première journée : ne pas être à l’économie. Je sais que 700 km c’est long, mais pour avoir testé sur la Gravel Man Jura de partir tout doux la première journée et en avoir sous la pédale le deuxième jour, ça avait été un échec total ! Je considère donc cette expérience comme formatrice et donne le meilleur sur cette première journée. J’ai dans l’idée de le boucler la course en quatre jours grand maximum au vu de la distance, du dénivelé et de ma capacité à peu dormir.

J’ai un autre objectif sur cette trace : je veux reconditionner une journée « normale », prendre le temps de petit-déjeuner, déjeuner, pause-café et dîner. C’est tout bête, mais je suis plutôt partisane de faire du non-stop sur mon vélo, je mange, je bois et je fume sans m’arrêter pour gagner du temps sur mon manque de vitesse pure… je n’ai encore jamais essayé de reproduire une journée pour donner à ma tête le temps de couper.

Me voilà donc sur cette belle voie verte entrecoupée de partie gravel bien roulant. Je me réveille doucement et en prends déjà plein les yeux avec le lever du soleil.

Je rattrape Polo au bout d’une vingtaine de kilomètres, je suis plutôt étonnée de le voir… on roule un peu ensemble et le voilà de nouveau parti loin…

J’arrive rapidement à Lourdes. Je sais que ça annonce les derniers kilomètres de plat. J’attaque le premier col de la trace après 60 km de plat, j’ai les jambes bien réveillées, c’est parti !

Je monte ce premier col avec une facilité déconcertante… Je me dis que Polo doit être à des kilomètres de moi, si j’avance vite… lui avance très vite !

Arrivée en haut du col du Soulor, il y a une petite auberge, il est midi passé, l’heure idéale pour une pause ! Ça part sur une grosse gaufre avant de prendre la direction du col d’Aubisque, le dernier avant un plusieurs dizaines de kilomètres.

La montée du col d’Aubisque est relativement facile sur les premiers kilomètres, pas plus de 5 % de pente. Je passe sous un tunnel dans la roche et là un flash ! Je connais, je suis déjà passée ici à vélo, je continue quelques centaines de mètres… et je me souviens… c’est le tout premier col que j’ai monté à vélo il y a quatre ans de ça ! Je venais tout juste d’avoir un vélo de route et j’étais partie monter un col entre deux sorties trail dans les Pyrénées. Repasser là où tout a commencé me donne le sourire et des jambes de feu. J’arrive rapidement en haut du col avant de basculer sur la dernière partie en gravel. Le paysage est à couper le souffle, je suis tout simplement heureuse !

Les choses amusantes arrivent et me voilà dans une descente pas du tout roulante, droit dans la pente ! La descente est raide et très longue, je cherche un peu la trace, passe entre des chevaux et des vaches.

J’arrive après plus d’une heure de descente dans un petit village qui annonce le début d’un faux plat descendant. Je récupère enfin du réseau, j’en profite pour chercher où est la boulangerie la plus proche et surtout où est Polo. Je voulais me laisser la surprise après cette première difficulté pour voir de combien de kilomètres Polo avait pu me distancer. J’ai parié sur 30 à 40 km (il est très bon en gravel et excellent en descente technique !) et là, grosse surprise… moins de 10 km nous séparent. Je rafraîchis la page du tracker deux fois pour être sûre ! Au même moment je reçois un vocal de Polo qui m’informe qu’il y a une boulangerie à quelques kilomètres de la descente… ce qu’il ne sait pas c’est que je ne suis vraiment pas loin derrière lui !

J’accélère un peu trop sur la route, je le paierai sûrement plus tard, mais j’ai espoir de le rattraper si sa pause à la boulangerie s’est un peu éternisée… Manque de chance, je suis arrivée trop tard pour le voir. Je fais le plein de nourriture, me pose un instant pour manger mon flan pâtissier et je repars ; avec un peu de chance sur cette partie je peux maintenir le petit écart que j’ai avec lui avant la deuxième difficulté de la journée.

Les kilomètres défilent et le soleil descend doucement. J’avance sans trop réfléchir.

Au kilomètre 180, c’est de nouveau parti pour manger du dénivelé. J’allume les lumières et appuie sur mes pédales sans trop réfléchir… les kilomètres passent, je suis bien.

À cette allure je peux atteindre le village de Larrau avant ma sieste nocturne, j’avais estimé passer le village à 7 heures du matin, pas au beau milieu de la nuit ! Cette allure rapide, je vais certainement la payer plus tard, mais je dois profiter de ma bonne forme du jour !

Je reçois un message de Polo qui m’informe qu’il y a une pizzeria dans un village. Il vient de faire une pause. Je regarde le tracker, nous sommes à 5 km l’un de l’autre, j’ai comme l’impression qu’il va avoir du mal à me mettre 24 heures sur la ligne d’arrivée. Je lui demande gentiment de me commander une pizza le temps que j’arrive. De toute façon, autant qu’il m’attente avant de repartir ce coup-ci ; j’en suis sûre, je ne le reverrai plus avant Bilbao !

Après des pourcentages énormes dans les bosses qui annoncent bien la couleur du Pays basque j’arrive pile à l’heure pour ma pizza, on discute un peu avec Polo et il repart quelques minutes avant moi.

Je n’ai pas envie de partir en même temps que lui ; je me connais, je vais vouloir le suivre et exploser au bout de 10 km ! Je profite de ce temps pour faire un brin de toilette au robinet du cimetière, refaire le plein en eau et m’habiller chaudement pour la nuit.

L’objectif pour moi est d’aller jusqu’à Larrau.

Je repars dans les bosses et c’est de plus en plus raide. J’essaie surtout de maîtriser ma peur du noir dans les bois qui me paralyse en mettant la musique à fond et je ne pense qu’à pousser sur mes pédales.

Nouveau message de Polo qui m’annonce qu’au début de la descente après la grosse ascension avant le col de Larrau la route est truffée de sangliers… Ça tombe bien, je n’en ai pas peur. Je regarde mon compteur… je ne suis qu’à 5 km de lui ! Comment est-ce possible ? Il me dit aussi qu’il s’arrête à Larrau pour dormir 2 heures. Parfait, je ne dormirai pas seule !

Je connais bien le village de Larrau, c’est là que j’ai couru mon premier marathon en montagne. J’ai un souvenir exceptionnel de cette course et savoir que j’y arrive me donne la pêche !

Il est un peu plus d’une heure du matin ; Polo est arrivé 15 minutes avant moi. Je monte sur la place du village, je sais qu’il y a une fontaine, je rêve de me laver !

Je finis à moitié nue dans le village, mais à cette heure-ci je ne dérange personne et l’idée de dormir propre après cette première journée me réjouit !

Polo a trouvé une table de camping pour dormir, moi, je prends l’option dalle en béton d’un abribus à quelques mètres de lui. Je gonfle mon coussin, enfile ma doudoune et saute dans mon bivy, juste le temps de mettre mon réveil pour m’accorder 1 h 15 de sommeil et me voilà déjà endormie !

Jour 2

Le réveil sonne. J’ouvre un œil. Polo dort encore. Bon… je me rajoute 15 minutes de sieste alors ! De nouveau le réveil. Polo est déjà en train de ranger ses affaires, je fais de même.

On partage un cookie que j’avais gardé de la veille et c’est parti pour le col de Larrau !

Un dernier bisou avant de partir, c’est le deuxième jour et, normalement, je flanche à ce moment-là aucune chance que l’on se revoie !

Polo me distance rapidement, mais je vois toujours sa petite lumière arrière qui clignote. On passe devant une maison, il fait nuit noire et un premier coup de feu retentit… Je ne suis pas bien mais je reste concentrée sur ce col. Un deuxième coup de feu… Là, je ne suis vraiment pas bien ! Je regarde la lumière de Polo quelques centaines de mètres devant moi. J’ai peur !

Troisième coup de feu ! Ça me rend folle ! J’appuie comme une malade sur mes pédales pour me rapprocher de Polo. J’ai peur et j’ai qu’une envie, quitter ce col et que le jour se lève ! Mais le col est long et très pentu !

J’arrive finalement à rattraper Polo. Il marche à côté de son vélo. Il y a un problème ! Je n’ai aucune envie de lui passer devant, je m’arrête à ses côtés et clairement il n’est pas bien, il est frigorifié. On se pose un instant, mais on est en plein vent. On remonte sur nos vélos. Je roule à côté de lui et on décide de trouver un endroit pour s’abriter et se reposer.

On trouve finalement une station électrique qui nous protège du vent. On s’enroule tous les deux dans nos bivies, sur un sol jonché de bouses de vache, mais on ne va vraiment pas faire les difficiles. On se rendort une grosse heure l’un contre l’autre pour lutter contre le froid.

Je me réveille et clairement j’ai vraiment envie qu’on termine l’ascension de ce col. Je motive Polo et on finit par arriver en haut du col de Larrau à 7 heures du matin devant un lever de soleil qui me met la larme à l’œil !

Polo reprend doucement vie et on décide de faire la journée ensemble. On n’est que deux en tête de la trace, un participant, Christophe, est à 40 km de nous ; le reste de la troupe fait le parcours non pas en non-stop mais en posant la tente chaque soir.

Il n’y a donc plus trop d’intérêt à rouler seul pour Polo, et surtout il comprend qu’il ne me décrocherait pas si facilement de sa roue sur cette Poco Loco.

Les kilomètres passent, on s’attend à tour de rôle, on roule un long moment du côté espagnol dans les bois d’Iratiko.

Je commence à avoir très faim, je n’ai rien mangé de vraiment consistant depuis la pizza et j’ai épuisé depuis ce matin tout le ravito que j’avais sur moi.

Le prochain est à St-Jean-Pied-de-Port… alors go !

J’arrive en haut du dernier col avant St-Jean, il est emprunté par les traces gravel et route de l’événement, je fais la connaissance de deux cyclistes qui sont sur la partie route de la Poco Loco, on discute rapidement et je retrouve Polo, quelques kilomètres plus bas, qui m’attend. On s’arrête tous les quatre et je commence à ronchonner de faim. L’un des cyclistes me donne la fin de son sandwich au jambon qui venait de passer 24 heures dans la poche de son maillot, c’est du pain béni pour moi ! Je suis vidée de rouler sans manger et ces quelques calories me redonnent un peu d’énergie pour rejoindre le village où l’on pourra ENFIN manger pour de vrai !

La descente est rapide, mais en perdant de l’altitude on se retrouve rapidement dans un four ! La chaleur est écrasante ! On se pose dans un petit restaurant basque avec une seule idée en tête : manger des frites et du gras !

On reste une bonne heure au village, commandant assiette sur assiette pour se refaire une santé.

Il ne reste que quelques kilomètres avant le CP1, c’est la base de vie de l’événement à mi-parcours des 700 km.

Je reprends la route avec Polo, mais rapidement je suis rattrapée par cette chaleur que je déteste tant, j’ai du mal à avancer et les toboggans basques ne m’épargnent pas !

Je commence à somnoler sur mon vélo, impossible d’avancer, je marque chaque raidard, c’est l’enfer !

J’appelle Polo pour lui dire de continuer sans moi, tant pis on se croisera peut-être à la base de vie… si j’y arrive.

Je m’échoue dans un fossé, j’ai juste le temps de mettre une alarme sur 10 minutes que je m’endors déjà.

Le réveil sonne, je reprends doucement conscience, affalée au bord de la route. Je me suis fait piquer par une bête sur toute la longueur des jambes ! Je saute sur mon vélo, prête à en finir avec ces trente derniers kilomètres qui me séparent du CP.

Je ne sais pas combien j’ai mangé de côtes, mais sûrement plus que de kilomètres parcourus.

J’ai un message de Polo qui me dit être arrivé au CP. Je regarde mon compteur, je suis encore à cinq kilomètres de lui ! Je bombarde comme une folle sur mes pédales pour prendre chaque raidard avec le plus d’élan possible et arrive un peu après 18 heures dans la belle petite maison basque perchée en haut de la colline où nous attend l’orga.

Je retrouve Polo déjà installé devant une grande assiette de chili con carne. Je fais de même et respire un instant.

Nous pouvons dormir, prendre des douches et laver nos affaires à la base de vie, mais j’ai une autre idée en tête et vu l’heure je veux en profiter pour avancer !

Christophe le troisième participant n’est plus loin derrière nous et je mets en avant cet argument pour motiver Polo à repartir avec moi (il a un esprit de compétition, je sais qu’il veut être devant).

Je trouve rapidement une chambre sur Airbnb pour y passer la nuit à St-Jean-de-Luz, ça nous rajoute 40 km pour la soirée mais ça permet d’avoir moins à faire pour finir !

Christophe arrive sur la base de vie au moment où nous en repartons, il échange quelques mots avec Polo et nous repartons sur les bosses basques.

Les 40 km qui nous séparent de St-Jean-de-Luz sont remplis de raidards qui n’en finissent pas.

Je suis en pleine forme et je m’amuse avec Polo à faire la course dans chaque bosse ! On a 375 km dans les jambes mais toujours la connerie dans la tête !

Il est 22 heures quand nous arrivons sur St-Jean-de-Luz. On passe devant un bar encore ouvert et dans un même élan, sans même vraiment en parler, on prend une pause bière bien méritée dans cette journée.

On arrive au logement vers 23 heures. La douche est fortement appréciée ! J’en profite pour laver les affaires et faire charger mon compteur avant d’aller me coucher. En ultra, la bouffe, l’eau et l’énergie électrique sont des denrées souvent rares !

Jour 3

Il est 6 heures quand le réveil sonne, j’ai dormi comme un bébé, et les jambes vont très bien. Je me lève d’un bond quand je me souviens avoir oublié de faire charger ma batterie externe pour avoir suffisamment d’énergie pour recharger compteur, lampe et portable pour le reste du parcours ! C’est une grosse erreur de ma part !

Je finis de faire sécher les vêtements au sèche-cheveux et nous repartons sur nos vélos en direction d’une boulangerie.

Christophe nous est passé devant pendant la nuit, mais n’est qu’à 20 km de nous, c’est rattrapable sans trop nous inquiéter.

Boulangerie trouvée, je charge un max de nourriture sur moi et informe Polo que ces derniers kilomètres, on les fait chacun pour soi. J’ai tenu deux jours à son allure, on est tous les deux très surpris que je sois allée aussi vite, mais je doute tenir encore un jour de plus.

Je repars de la boulangerie quelques minutes avant lui pour en finir avec ces derniers toboggans basques et de basculer en Espagne.

Je suis devant un lever de soleil magnifique avec vue sur la Rhune, la beauté des paysages me fait oublier la difficulté du parcours.

Polo me passe devant après bien trente minutes, juste avant de commencer la longue piste cyclable qui nous sépare du prochain col.

La piste est un vrai boulevard, j’avance à très bonne allure, je regarde de temps en temps le tracker, Polo ne me décroche pas je reste toujours à plus ou moins trois kilomètres de lui, et on reprend du terrain sur Christophe.

Je quitte la piste cyclable pour me retrouver d’un coup dans une pente à 10 % et là, qui je vois… ? Mon Polo et Christophe à quatre mètres de moi… mais comment est-il possible que je rattrape encore Polo ?

On arrive tous les trois à un petit point d’eau bien apprécié avant le long col. Je nargue Polo d’être encore dans sa roue, il me dit clairement : « — Mais tu vas jamais me lâcher ! — Ben, écoute, c’était pas prévu mais, visiblement, je suis bien derrière toi ! »

Je remonte rapidement sur mon vélo, alors que Polo finit encore de remballer ces affaires. Je sais que j’ai signé mon arrêt de mort… Si je veux lui coller une raclée dans le col, je vais réveiller le compétiteur qui est en lui.

Ça n’a pas loupé ! Il passe devant moi au bout d’un petit kilomètre sans même me regarder, le visage fermé. Je suis explosée de rire, je sais qu’on adore se chercher sur le vélo et que maintenant il va finir la trace comme un animal, je sais aussi que je ne le reverrai plus avant Bilbao.

J’ai Christophe moins de deux kilomètres derrière moi. Ce col est vraiment long, il fait très chaud et je déraille à plusieurs reprises du plateau avant. Je commence à m’agacer, et prends l’option de marcher un peu.

Arrivée en haut, la vue me scotche, je n’ai pas de mots, je suis entourée d’animaux et de montagnes à perte de vue.

Une petite descente et ça repart dans du raide, là encore je déraille à plusieurs reprises et manque de me casser la figure, une chaussure ne veut plus sortir de la pédale automatique.

Je commence une belle descente mais la chaîne retombe encore… et impossible de reclipser ma chaussure… Je suis à fond sur les freins et Christophe me double comme une balle sur son VTT en descente.

Je m’arrête avant même d’arriver en bas pour regarder cette histoire de chaussure. Je démonte et remonte la cale, toujours le même problème.

Je termine mon dernier sandwich, je n’ai plus rien à manger, il va falloir que je trouve de quoi me ravitailler rapidement !

Et là en quelques minutes tous bascule. Je ne peux plus passer les vitesses, je suis bloquée sur la plus grosse vitesse, si ma chaîne tient en place j’ai dû enlever la cale de ma chaussure et pédale donc avec un pied qui ne tient pas bien sur une petite pédale, j’ai chaud, très chaud, et je fatigue.

Je comprends que la suite va être longue et que je vais y passer la nuit. Nouvelle crise de panique. Je n’ai plus de batterie externe comment je vais… mon GPS ne pourra pas tenir plus de sept heures encore, mon portable est presque vide et je n’ai pas non plus de quoi recharger mes lampes si je dois rouler encore toute une nuit.

C’est ce qu’on appelle une fracture du mental… Tout devient insurmontable (au moment où j’écris ces lignes, je me rends compte que tout était surmontable).

J’analyse les choses : plus de batterie ; plus de nourriture ; plus de vitesses et une chaîne qui ne fait que dérailler ; plus de cale sous une chaussure, et en gravel ne pas avoir les pieds bloqués surtout sur des pédales SPD ce n’est pas du tout une bonne idée sur les descentes techniques.

Je dois trouver un endroit pour manger et vite ! Je regarde la trace, j’en ai encore pour trois heures. Je ne tiendrai pas ! Je réfléchis, mais je réfléchis mal ! J’envoie un message à l’orga pour expliquer la situation et leur dire que je bascule sur la route.

Polo, au même moment, m’appelle et tente de me convaincre de continuer à chercher un magasin pour réparer, mais j’ai les larmes qui ne demandent qu’à tomber, je n’arrive pas à surmonter la situation et on coupe rapidement la conversation. Il est bien, je veux qu’il continue, et moi je dois juste trouver à manger, et vite.

Je passe donc sur la route, mange des bosses encore et encore, souvent à pied, jusqu’à trouver enfin un village !

Je me rends à la supérette de Lekunberri, je prends du riz au lait, une tablette de 300 g de chocolat, des petits Lu et du saucisson.

Je suis posée sur un banc de la place, tel un zombie, à manger mon riz au lait avec des barres de chocolat faut de cuillère sous la main. Je suis sans vie… 300 grammes de chocolat plus tard, mon cerveau se remet à fonctionner, enfin, en pointillé.

Je trace une route en direction de Bilbao sur Komoot. J’ai trois cols à passer pour y arriver et 130 km, je coupe un peu moins de 100 km de la trace pour n’être que sur la route.

Je sors du village et commence une longue descente de plus de 30 km dans des gorges. C’est d’une beauté sans nom, j’en prends plein les yeux et même si couper la trace à un goût amer, je veux profiter de ces paysages espagnols.

Les kilomètres passent, les bosses aussi. Je commence à avoir mal sous le pied de la chaussure qui n’a plus de cale. Je ne peux pas avoir une position stable et je dois surtout faire toutes les bosses avec un seul plateau ! Je passe tout en force, bien déterminée à en finir !

Rouler en Espagne, même sur la route, c’est vraiment agréable. Les voitures se décalent vraiment toutes à plus de deux mètres de moi, je n’ai pas un coup de klaxon ni de voiture qui me frôle ou m’engueule, le bonheur !

J’optimise au max les lampes, GPS et téléphone pour que tout ça tienne jusqu’à l’arrivée.

J’arrive à 20 km de la fin, je passe dans pas mal de petits villages. Je m’arrête de plus en plus, chaque banc est une excuse pour une pause. Je trouve plusieurs distributeurs automatiques de nourriture et je mange, je mange non-stop. Les jambes vont bien, mais j’en ai assez. Mes genoux commencent à gueuler à force de manger des pentes en force avec ce dérailleur qui ne répond plus de rien !

J’avance comme une fourmi… Je regarde le tracker de Polo, on devrait arriver en même temps. J’ai régulièrement de ses nouvelles, lui aussi s’arrête souvent, mais il est encore en pleine forme !

Je suis à 10 km de l’arrivée. Polo m’envoie un vocal, il pense arriver avant moi et préfère faire une sieste de 40 minutes avant Bilbao.

Je continue donc ma route en espérant qu’on se retrouve ensemble à l’arrivée. Je passe devant une station-service, il est bientôt 5 heures du matin, je fais de grands signes au mec qui se tient devant pour qu’il ouvre la porte. Je suis un zombie sans vie… Je chope de quoi manger, paie ma note et m’affale sur le sol de la station-service pour manger mon sandwich. Je rigole de cette scène sans nom, moi sur le sol d’une station, les yeux dans le vide, à manger un sandwich sans goût !

Allez ! plus que 7 km, je fonce ! Enfin… je fonce à l’allure d’un escargot. Je suis à Lekunberri aux abords de Bilbao, l’arrivée et bientôt là. Je mate de tracker de Polo… il n’a pas bougé et je sais qu’il a pris finalement l’option de dormir plus qu’une sieste, tant pis, je l’attendrai à l’arrivée.

J’arrive devant le Vizcaya Bridge, c’est l’arrivée, un banc… et je m’effondre la tête sur mon vélo pour qu’on ne me le vole pas.

Je suis réveillée après 30 minutes par le froid et des personnes qui embauchent visiblement tôt.

J’attrape mon bivy et me rendors, Polo n’a pas encore bougé, j’ai le temps !

Il est 8 heures quand j’ouvre les yeux, des passants circulent tout autour de moi… je fais SDF avec mon bivy et ma gueule éclatée. J’entends au loin Caro (l’organisatrice) qui crie mon nom. Je suis encore complètement shootée et souris béatement. Polo n’est plus qu’à cinq petits kilomètres de moi. Je l’attends, sourire aux lèvres.

Et le voilà enfin ! Ma machine qui finit le parcours comme une bête !

La journée se passera au bar/café entre bières et assiettes de tapas en continu avant de reprendre un bus tard dans la soirée qui nous ramènera jusqu’à Pau !

Voilà. Vous savez tout de cette belle aventure. J’ai vécu des moments magiques. Un grand merci à la team Poco Loco pour cet événement qui m’a mis des étoiles plein les yeux. Merci à Max qui a tracé ce bel itinéraire pour nous faire découvrir les côtes basques ! OK, de temps en temps, je l’ai un peu maudit =)

Crédit photos @floe_reporter

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